IntoPIX: “original Belgian design inside”

Portrait
Par · 28/08/2013

Spin-off de l’UCL créée en 2005 (sur base de travaux des laboratoires de microélectronique, de télécommunications et de cryptographie), IntoPIX est une société spécialisée dans la compression et la sécurisation de données audiovisuelles.

“L’un de nos terrains de différenciation est celui de la préservation de la qualité de l’image dans des scénarios de compression destinés à limiter la bande passante requise sans pour autant abîmer ou dégrader l’image”, explique Jean-Baptiste Lorent, directeur produits et marketing de la société.

Le catalogue d’IntoPIX inclut des codeurs/décodeurs JPEG 2000, des interfaces réseau et vidéo, des solutions de chiffrement (encryption), des contrôleurs mémoire. Ses solutions s’appuient sur et visent les dernières générations de processeurs FPGA et ASIC.

Sa clientèle se situe à la fois dans l’univers du cinéma (numérique), de la production et post-production audiovisuelle, de la projection et de la télédiffusion, de l’archivage et de l’imagerie industrielle. Parmi ses clients, on trouve ainsi des noms tels que Sony, NEC, NTT, Media Links, ARTech, Mikrom, Belgacom TV, NHK (la télévision japonaise)…

Au-delà de l’industrie de l’audiovisuel, IntoPIX vise des secteurs tels que l’industrie alimentaire (avec des systèmes visuels de contrôle de la chaîne de production), le monde médical, l’univers de l’aérospatial (notamment les images satellite)…

Ses solutions s’adressent également aux secteurs des produits industriels destinés aux entreprises, à l’industrie du spectacle, aux fabricants de caméras…

Noyaux IP

Le catalogue d’IntoPIX se compose essentiellement de ce qu’on appelle des “IP cores”, des “noyaux de propriété intellectuelle”. Autrement dit, des “briques” de programmation, de données ou de logique qui seront intégrées dans des produits (ASIC, FPGA, CPU, logiciels…). L’une des contraintes est de concevoir des solutions qui puissent s’intégrer et se décliner dans un éventail de solutions le plus large possible, tout en étant suffisamment spécifiques pour correspondre aux souhaits de différenciation des clients destinataires. “Pour ce faire, nous avons développé une méthode de développement et de test afin de concevoir chaque codec [dispositif de compression/décompression] en fonction des besoins de chaque client.”

Il est certes arrivé à la société, pendant une courte période, de produire sa propre carte codec – prénommée Pristine – mais ce n’était que pour palier à un manque temporaire de solutions sur le marché. “Nous avons fabriqué cette carte parce qu’il n’y avait aucun client, sur le marché, pour la produire”, indique Jean-Baptiste Lorent. Cet épisode se situe aux alentours de la crise de 2009. “Il nous a en outre permis de trouver de nouveaux clients et de mieux traverser l’orage”.

Le vide existant sur le marché ayant été comblé entre-temps [notamment via Image Matters, la nouvelle société de Jean-François Nivart… ancien directeur de la société], IntoPIX a abandonné cet axe production de cartes. “Nous voulions conserver notre rôle de vendeur de propriété intellectuelle, ne pas être perçu comme un concurrent potentiel de nos clients. Cela ne nous intéressait par ailleurs pas de devenir un fabricant, de devoir nous soucier de production, de gestion de stocks… Nous nous sommes donc reconcentrés sur notre coeur de métier et cela a débouché sur la conception du nouveau format de compression TICO. [Voir l’article que nous y consacrons.] Aujourd’hui, lorsque nous remarquons un “trou” sur le marché, nous ne réagissons plus en concevant nos propres cartes mais en aidant nos clients à concevoir leurs propres produits. Et cela passe par l’offre de reference designs [modèles de référence] de deux types. Soit des kits de développement matériels, c’est-à-dire des kits fonctionnels mais proposant des potentiels limités, suffisamment pour valider les ressources fonctionnelles et la qualité de notre création. Soit des application reference designs, par exemple notre application SMPTE 2022 qui vise l’implémentation de transmissions vidéo JPEG2000 sur IP.”

“Nos “IP cores” sont soigneusement validés sur les matériels au sein desquels ils seront implémentés. Si l’un de nos clients – et nous dénombrons environ 100.000 implémentations de nos technologies dans le monde – rencontre un problème, nous devons pouvoir le reproduire et le résoudre chez nous, tester les versions, etc. Nous avons dès lors développé un framework qui nous permet de réagir très rapidement.”

Destination: international

Très tôt, la société s’est activement tournée vers les marchés internationaux, là où se trouvent les grands opérateurs et équipementiers audiovisuels. Elle a ainsi ouvert une filiale aux Etats-Unis [simple avant-poste, en fait, qui sert de relais avec les agents couvrant le pays] et une autre au Japon, dès 2009.

Aujourd’hui, la très grande majorité de son chiffre d’affaires est réalisé à l’international, le marché japonais représentant à lui seul 33% des résultats, via des clients tels que Sony, NEC, NHK, NTT… En majorité, de (très) gros clients. Et la démarche est volontaire: “Notre premier client japonais [NEC] est venu à nous sur la recommandation d’un studio hollywoodien qui était déjà client. Notre chance, au Japon, est d’avoir des clients de grande envergure qui sont bien organisés pour du business international, qui savent et veulent acheter auprès d’un acteur international.”, déclare Jean-Baptiste Lorent.

L’originalité d’IntoPIX, petit Poucet sur le marché, a été d’ouvrir d’emblée une filiale au Pays du Soleil levant, au lieu de passer par la voie, plus classique, d’un distributeur local. “Une présence locale est nécessaire pour vendre à de nombreuses sociétés japonaises, surtout dans la catégorie PME, qui ne traitent pas à l’international et n’achètent que via distributeurs. Mais les distributeurs sont rarement exclusifs.” Or, IntoPIX ne désirait pas être simplement proposé à côté d’autres solutions. “Passer par un distributeur aurait dilué le lien direct avec le marché.”

La filiale était donc la solution mais une solution qui n’est pas forcément évidente tant en termes d’investissement, d’image locale, de crédibilité… Pour ouvrir une filiale [IntoPIX Island], IntoPIX est en fait passé par la constitution d’une joint-venture avec Village Island, la société de Michael Van Dorpe, un Belge déjà établi au Japon. Sa société s’est spécialisée dans la distribution de technologies et d’équipements de broadcast, les outils de tests et le développement de logiciels.

Dans les autres pays où elle est présente – Etats-Unis, comme on l’a vu, Inde, Israël, Chine -, IntoPIX s’appuie sur un réseau d’agents. En Chine, un pays dont elle espère beaucoup, IntoPIX a pour l’instant désigné deux agents – un à Pékin et un à Shanghaï – et voudrait en ajouter un à Shenzhen (sud de la Chine).

L’Europe, elle, est couverte à partir du QG belge. “Notre philosophie, en tant que fournisseur de technologie, est de toujours proposer un contact de première ligne avec le client mais aussi et surtout de nous déplacer en personne lorsque c’est nécessaire. Chaque membre de l’équipe commerciale est en moyenne 8 semaines par an en voyage en international”, estime Jean-Baptiste Lorent.

Financement

A ses débuts, IntoPIX a opéré sur base de capitaux apportés par la Sopartec et de fonds propres injectés par ses 5 fondateurs, parmi lesquels Gaël Rouvroy, actuel directeur et CTO de la société, Jean-François Nivart, ancien de chez EVS (XDC) qui a entre-temps fondé Image Matters, fabricant de cartes JPEG2000 et toujours client d’IntoPIX, et deux chercheurs de l’UCL.

En 2009, la société procédait à une premier levée de capitaux, avec un apport d’avance récupérable de la Région wallonne et des investissements de bailleurs de fonds privés. Les employés, eux aussi, ont participé à ce tour de table.

Il a permis à la société d’ouvrir ses premières filiales à l’étranger mais aussi de traverser sans trop de dégâts le “trou d’air de la crise” qui a vu les commandes de clients diminuer pendant un an ou deux.

Depuis trois ans, les activités de la société ont repris le chemin de la croissance (de l’ordre de 20 à 25% par an, avec un pic en 2012 qui lui a valu de décrocher une “Gazelle” du magazine Trends Tendances, dans la catégorie ICT/PME).

La société est auto-suffisante et a pu puiser dans ses propres réserves pour lancer de nouveaux développements, notamment celui qui mène aujourd’hui au lancement de TICO.

La société estime toutefois que le marché se situe aujourd’hui à un tournant majeur qu’il lui faut exploiter au mieux. Et, pour cela, des moyens nouveaux sont les bienvenus. L’une des pistes exploitées est celle des projets de recherche industrielle à moyen et long terme. La société participe ainsi autant que possible à des projets financés par la Région wallonne (tel le projet GreenTIC “Ciclop”) ou l’Union européenne (exemple: le projet ICAF- Image Capture of the Future).

D’autres développements sont effectués en collaboration avec des clients. C’est ainsi que la société collabore avec la télévision nationale japonaise NHK au développement de la prochaine génération de télévision Ultra HD. “Et nous sommes des partenaires certifiés de sociétés telles que Xilinx [acteur majeur de l’industrie FPGA] ou Altera. Cela nous confère une longueur d’avance en ayant accès à des informations sur les futures technologies, sur les composants de demain sur lesquels nos codecs seront implémentés.”