Olympiade d’informatique: une expérience “monétisable”

Interview
Par · 02/08/2013

Nous avions déjà interviewé Victor Lecomte, l’année dernière, à son retour des Olympiades Internationales d’Informatique. 

Cette année, alors que cet étudiant en 6ème secondaire à Louvain-la-Neuve a à nouveau décroché une médaille (de bronze) aux IOI 2013, nous lui avons demandé comment il juge sa nouvelle participation, ce qu’il en a retiré. Histoire de voir comment et pourquoi un jeune de son âge semble devenir “accro” à ce genre de concours, quel défi voire quelle émulation cela représente pour lui. De même que les avantages que cela peut éventuellement lui apporter, tant au point de vue personnel que dans la perspective de ses futures activités professionnelles.

Régional-IT: la compétition était-elle plus dure et difficile que les autres années (en termes de qualité et/ou nombre de participants, de questions et problèmes à résoudre…)?

Victor Lecomte:La compétition était en moyenne plus facile que l’année passée. Quelques problèmes étaient plus faciles, mais obtenir la totalité des points dans les problèmes difficiles est resté un grand défi même pour les pays les plus forts. En tout cas, il était possible d’obtenir quelques points facilement, ce qui n’était pas forcément le cas l’année passée, et la moyenne des points est plus élevée.

Victor Lecomte: “L’Olympiade internationale est un facteur qui pourrait être décisif si je veux plus tard postuler pour entrer dans une grande université américaine.”

Ce dernier fait peut aussi être expliqué par l’entraînement croissant des participants. Cela dit, l’entraînement nécessaire pour les olympiades d’informatique n’est pas près de rattraper celui des mathématiques, pour lesquelles la quasi-totalité des pays disposent de stages d’entraînement poussés, ou au minimum fréquents.

Vous revenez avec une médaille de bronze mais avec un score amélioré par rapport à votre dernière participation. Comment jugez-vous vos progrès? S’expliquent-ils par le fait que vous avez une année scolaire de plus « dans les jambes » ou par d’autres facteurs?

L’amélioration de mon score s’explique très simplement par de l’entraînement supplémentaire (mais pas forcément plus intensif) par rapport à l’année précédente. L’entraînement est vraiment primordial pour s’améliorer dans n’importe quelle olympiade scientifique.

Pourquoi tenez-vous à participer chaque année aux Olympiades? Que vous apporte cette participation? Pourquoi est-ce important pour vous? Qu’espérez-vous (à chaque fois) en retirer? tant à titre personnel que (plus tard) professionnel?

Les olympiades internationales sont une expérience unique, l’occasion de faire ses preuves, de se mesurer à des jeunes talentueux venus de tous les pays du monde, et de créer avec eux de nombreux liens. C’est une expérience dont on rapporte de nombreux bons souvenirs.

C’est aussi l’occasion pour les meilleurs d’ajouter une ligne précieuse sur leur CV et de s’ouvrir des possibilités de carrière dans le monde académique, ou dans le monde des entreprises. C’est un facteur qui pourrait être décisif si je veux plus tard postuler pour entrer dans une grande université américaine. De plus, maximiser ses points dans des situations de stress, où l’on doit faire des choix stratégiques très rapides, montre une débrouillardise qui est utile et précieuse, et par conséquent très recherchée dans toutes les entreprises.

Notez-vous une différence dans la manière dont les jeunes (Belges mais aussi étrangers) se préparent pour cette épreuve?

Le niveau d’entraînement est bien évidemment toujours croissant car l’Olympiade internationale est une olympiade plutôt jeune à l’échelle des olympiades scientifiques, et de nouvelles initiatives pour aider les participants apparaissent sans arrêt dans beaucoup de pays du monde.

En Belgique, nous projetons, l’année prochaine, d’étendre sensiblement les entraînements de nos futurs participants, dont une grande partie sera sans doute ouverte à tous les jeunes intéressés. L’entraînement ne se limitera alors plus à la seule équipe déterminée par les résultats obtenus à l’olympiade nationale [Ndlr: en claire, l’“équipe” constituée des 4 lauréats et des meilleurs de l’épreuve belge]. De cette manière, nous offririons la chance à des élèves peu ou pas entraînés mais très motivés, et également aux plus jeunes, de briller les années suivantes dans l’olympiade nationale, et pourquoi pas de représenter la Belgique quelques années plus tard…

Rien n’est encore décidé…

Cette possibilité de voir la formation des participants belges être étendue n’a pas encore été formellement discutée au sein du comité d’organisation (beOI). Mais il s’agit bien là d’un souhait que confirme Damien Leroy, membre du comité. Compte tenu de l’agenda (finale belge en mars et Olympiade internationale en juillet), le timing est jugé pour l’instant trop serré pour une formation réellement valable et approfondie (d’autant plus que, dans l’intervalle, il y a les vacances de Pâques et les examens). L’idée serait donc d’avancer le calendrier de l’Olympiade belge.

Une formation plus longue et approfondie est en outre jugée nécessaire pour donner aux jeunes Belges des chances de briller lors du concours international. “Jusquici, les représentants sélectionnés sont souvent ceux qui ont le mieux réussi l’Olympiade belge.” Pas le temps de rehausser le niveau des autres. “D’autant plus que l’Olympiade internationale est de haut niveau. Les jeunes découvrent souvent l’algorithmique avec nous, contrairement à d’autres pays où l’iT et l’algorithmique figurent au programme dans le secondaire et parfois même dès le primaire. Pour avoir des chances de bien réussir son Olympiade internationale, il faut aussi compter sur une réserve de candidats motivés, entraînés au fil des ans. Comme la Belgique n’y participe que depuis 4 ans, nous avons pu de jeunes  qui ont fait progresser leur niveau et qui peuvent former les suivants. Dès cette année, Floris Kint et Victor Lecomte vont toutefois rejoindre notre équipe.” Le début d’une mécanique plus structurée?

Le type de questions et de problèmes à résoudre évolue-t-il (par exemple en fonction de l’évolution de l’informatique, des solutions et applications actuelles)?

Ces dernières années, les pays participant à l’IOI ont décidé de laisser chaque année la place à au moins un problème qui sort de l’ordinaire, qui n’est pas vraiment un problème d’algorithmique classique, mais plutôt un problème plus concret qui se rapproche des applications modernes de l’informatique, et pour lequel aucune connaissance préalable particulière n’est requise. La clé pour résoudre ce problème est souvent une bonne idée, qui permet d’obtenir des résultats surprenants. En cela, cela ressemble fort aux besoins de l’informatique actuelle, et il est bon que l’olympiade qui la représente garde un lien avec “la vie réelle”.

Comptez-vous participer à nouveau aux Olympiades 2014 – ou bien avez-vous atteint la « limite d’âge » 🙂 ?

Les participants ne sont pas autorisés à avoir commencé un enseignement universitaire. Pour moi, c’était donc la dernière fois. 🙂

Victor Lecomte: “La Belgique est en manque criant d’informaticiens, donc il faut lever sur cette discipline le voile de méfiance et de préjugés qui a toujours pesé dessus.”

Désirez-vous convaincre d’autres jeunes de tenter l’expérience? Comment les convaincriez-vous de s’aligner?

Il est clair que l’olympiade internationale est à la fois une expérience inoubliable, une occasion unique de faire ses preuves et de valoriser les talents de jeunes, brillants, qui sont souvent mal compris. J’encourage de tout cœur tous ceux qui aiment l’informatique, ou même les maths et la logique, à tenter leurs chances à la beOI [Ndlr: l’épreuve belge des Olympiades qui non seulement sert de tremplin potentiel vers l’Olympiade internationale mais est aussi un concours à part entière, permettant aux jeunes de démontrer leurs compétences].

Et même si cela s’avère être un échec, ils ne peuvent rien y perdre. La Belgique est en manque criant d’informaticiens, donc il faut lever sur cette discipline le voile de méfiance et de préjugés qui a toujours pesé dessus. Et s’ils ne sont toujours pas convaincus, il suffit de regarder les destinations exotiques vers lesquelles ils pourraient voyager : Thaïlande il y a deux ans, Australie cette année, Taiwan l’année prochaine…