BSB: savoir évoluer avec le marché

Portrait
Par · 04/07/2013

Gros temps ces dernières années pour une société comme BSB, éditeur de solutions destinées au monde des assurances. La crise financo-bancaire a bien failli poser de sérieux problèmes à cette société de Louvain-la-Neuve qui, avant le trou d’air 2011-2012, semblait surfer outrageusement sur la vague de la croissance.

Fin 2011, les perspectives de contrats et de projets se sont soudain asséchées. 2012 fut une année plus que difficile, avec licenciements, chiffre d’affaires en repli de 6,5%, perte de 1,9 million d’euros (surtout imputable au 1er semestre)… Voir notre info

“Même si l’argument des réductions de coûts était avancé, le gel de toute décision d’investissement de la part des compagnies d’assurances en 2011 et 2012 n’était pas tant dû à des problèmes financiers qu’à leur incapacité à savoir comment allait évoluer l’économie”, estime Jean Martin, patron de BSB.

Ne pas renier les principes

Aujourd’hui, les affaires semblent reprendre et la société s’est à nouveau engagée dans la voie de l’embauche. Total actuel: 365 personnes (1) contre 320 au début de l’année. Les recrutements se sont essentiellement faits à Tunis, où la société dispose d’une filiale et d’un site de développement, “mais le retour à l’embauche concerne tous nos sites.”

Comment BSB s’est-elle sortie de son mauvais pas? En faisant le gros dos, en recapitalisant (entrée au capital, à hauteur de 24,45%, de la tunisienne Vermeg qui dispose d’un portefeuille de produits complémentaires – logiciels de gestion de fonds et de titres – et lui ouvre de nouveaux horizons), en tenant le cap en matière de R&D (17 personnes en tout), et en délocalisant certains développements.

“Grâce à notre filiale à Tunis [qui emploie aujourd’hui 70 personnes], nous avons divisé par trois nos coûts de développement. Mais nous avons gardé intact notre capital investissements en termes de jours/homme.”

A noter que les équipes de développement sont systématiquement mixtes. Les développements Solife se font en commun entre le Grand-Duché, l’Irlande et Tunis tandis que Soliam voit intervenir des équipes belgo-tunisiennes.

La croissance par spécialisation

En 2008, BSB avait choisi de restreindre son catalogue, se concentrant sur les produits Soliam (asset management, gestion de fortune et de portefeuille) et Solife (gestion d’assurances-vie). BSB propose également des solutions de type front-end Internet (dimension mobile incluse) mais uniquement en mode développements sur-mesure. L’offre se muera sans doute en produit “ficelé” en 2014, avant de devenir un réel progiciel “d’ici 3 ou 4 ans.”

La concentration du portefeuille de produits devait éviter toute dispersion des ressources, dans l’intention concrète de “se hisser dans le Top 5 du marché européen”.

Objectif réussi, estime aujourd’hui, BSB. En tout cas, pour Solife.

Jean Martin (BSB): “Nous avons réussi notre pari de nous hisser dans le Top 5 européen. C’est chose faite pour Solife. Ce le sera d’ici un an ou deux pour Soliam.”

Depuis 6 mois environ, le produit a – enfin – convaincu des leaders de l’assurance (le “Tier 1”). Parmi eux, Allianz Life Luxembourg (pour une solution SaaS), AG Insurance (pour Solife) ou la russe Zberbank Insurance, cette dernière misant sur Solife pour se construire un clientèle en assurance-vie.

Côté Soliam, “il faudra encore deux ans avant d’avoir le même effet “waouw” de différenciation que celui que nous avons réussi avec Solife.”

Pour réussir son pari, la double recette appliquée par BSB a été de “courir plus vite que les autres” et de proposer un catalogue différencié.

Et cela passe notamment par “l’autofinancement des développements et R&D.” Pas question d’attendre qu’un client commande et achète un produit pour se lancer dans son développement ou pour le finaliser.

“C’est la seule façon de maîtriser son agenda de développement et aller ainsi plus vite que la concurrence.”

“Voici 5 ans, nous avons tenté d’imaginer où nous voulions être 5 ans plus tard et comment y arriver.” C’est à cette époque que les décisions fondamentales ont été prises.

Deux exemples.

La volonté de pouvoir configurer et modéliser les produits de manière souple afin de permettre aux compagnies d’assurance de créer aisément de nouveaux produits d’assurance, par ailleurs difficilement comparables à ceux de la concurrence (la clé, ici, est le principe d’Unified Product Logic mis en oeuvre par BSB).

Deuxième règle: ne proposer qu’une seule version de ses logiciels, version valable pour tous les clients, quelles que soient leurs spécificités. Leur satisfaction passe par de la paramétrisation et par un toolkit d’intégration, fourni au client. “Toutes les demandes des clients sont répercutées dans le produit, à l’exclusion des éléments purement spécifiques. Nous avons construit une muraille de Chine entre les mécanismes génériques et les spécificités qu’implémente chaque client.” Cette volonté de produit commun à tous s’explique par le fait que BSB ne voulait pas qu’un client se retrouve un jour incapable d’évoluer vers la version suivante. “Nous proposons une nouvelle version tous les 4 mois. Chaque client doit migrer au moins une fois tous les deux ans.”

La croissance… autrement

“Nous n’avons jamais autant vendu que ces 6 derniers mois”, constate aujourd’hui Jean Martin. Mais le marché est en pleine transformation…

Les marchés d’Europe de l’Est et du Maghreb sont qualifiés de très porteurs, les compagnies d’assurance y consentant de gros investissements afin de se positionner. En Europe de l’Ouest par contre, le discours et la finalité des projets restent axés sur la réduction des coûts. “Les marchés sont saturés.”

En assurance-vie, BSB propose désormais aux compagnies d’assurance une solution de type “closed books” afin de permettre aux prestataires de réduire leurs coûts de gestion de contrats existants (le “run-off”, dans le jargon des assureurs) qui ne sont plus (très) rentables mais qui, au contraire, pèsent lourd sur leur budget de fonctionnement.

BSB leur propose d’abandonner leur gestion interne, “souvent sur des systèmes propriétaires, exigeant des équipes aux compétences spécifiques”, pour passer à une solution SaaS, hébergée et gérée chez BSB (chez Solfia Luxembourg, en l’occurrence).

“Marché hyper-concurrentiel, faibles taux d’intérêts, faible rentabilité, nouvelles contraintes légales en matière de fonds propres, contrôles de conformité, gestion complexe de produits multi-canaux, multi-lignes, multi-produits, multi-fonds… tout cela pousse les prestataires à rechercher de nouveaux moyens pour réduire les frais généraux élevés associés au fonctionnement des portefeuilles en run-off. Un grand nombre de ces polices de nécessité sont en outre hébergées sur de coûteux systèmes vieillissants qui ne font plus l’objet d’un investissement continu. Il est donc clair que les portefeuilles en run-off sont, pour les assureurs, un lourd fardeau. Nous reprenons ces dossiers “closed books” et nous les faisons tourner sur Solife, en facturant un coût par vente et par contrat. C’est un filon porteur compte tenu du nombre de polices concernées, qui se chiffrent en millions.” C’est aussi une source de revenus récurrents pour la société puisque la compagnie d’assurances s’engage à long terme.

L’avenir?

L’internationalisation. Encore plus poussée qu’aujourd’hui. “En 2008, nous avons sciemment décidé de nous concentrer sur l’Europe et l’Afrique. Nous sommes aujourd’hui présents dans 28 pays. Mais nous n’avons pas cherché à nous positionner sur des appels d’offres venant d’Asie ou d’outre-Atlantique (Amérique du Nord et du Sud). Et ce, afin de ne pas nous disperser. Maintenant que nous avons décroché des clients “Tier 1” avec Solife et Soliam, il est probable que, demain, des client américains et asiatiques viennent nous chercher.”

Jean Martin a d’ores et déjà décidé que l’extension internationale se ferait via partenariats: “cela n’a pas de sens d’aller partout nous-mêmes. Pour rester concurrentiels, il faut s’appuyer sur des partenaires locaux. Réaliser nous-mêmes des projets en Thaïlande, par exemple, nous coûterait trop cher en salaires [belges] et en coûts de déplacement.”

Autre axe potentiel de développement: SAP. En 2012, BSB a été à deux doigts de vendre cette unité opérationnelle, née un peu par hasard suite à un gros contrat décroché voici 6 ans auprès de la Société wallonne des Eaux. “Nous avons envisagé de vendre parce qu’il nous manquait un pilote pour cette business unit [qui compte essentiellement des clients para-publics belges] et parce que nous n’avions pas la taille critique pour espérer jouer un rôle sur ce marché.”

BSB est entre-temps revenue sur sa décision suite à l’engagement de Bernard Dauby (ex-Deloitte Luxembourg) qui s’est engagé à donner à la business unit SAP la taille critique nécessaire à sa pérennisation. Il a en tout cas un an pour concrétiser sa promesse. D’ici la mi-2014, l’entité opérationnelle devra avoir doublé d’envergure et développé des synergies avec les autres activités de BSB.

Jean Martin voit notamment une complémentarité potentielle entre l’axe SAP et le modèle SaaS: “il y a là une connexité potentielle. Ces deux axes nous permettraient de proposer un service complet aux compagnies d’assurance: gestion documentaire, comptabilité, applications métier…” BSB envisage ainsi d’intégrer certains produits SAP dans ses gammes Solife et Soliam. Par exemple, la solution Extended Enterprise Content Management solution, ou des services basés sur la plate-forme de base de données “in-memory” HANA.

Externalisation

L’axe majeur sur lequel repose toutefois une grande partie des ambitions futures de BSB est celui de l’externalisation et du SaaS (software as a service).

Au Grand-Duché, BSB a constitué une filiale – baptisée Solfia (voir encadré)  – qui preste des services en mode SaaS et BPO pour les clients désireux d’externaliser la gestion de leurs applications. “C’est davantage le cas dans les pays anglo-saxons, où environ 50% des clients externalisent. La tendance est encore faible en Europe continentale mais les choses évoluent. Il y aura sans doute une généralisation de ce phénomène d’ici 2015 ou 2016. Preuve en est que tous les appels d’offres incluent cette formule en option.” Avec Solfia, BSB a donc voulu prendre les devants. “C’est un nouveau métier. Il nous fallait l’apprendre.”

Jean Martin (BSB): “Il y aura sans doute une généralisation du phénomène SaaS en Europe continentale d’ici 2015 ou 2016.”

Jean Martin estime que ces activités pourraient représenter 30% du chiffre d’affaires d’ici 2 ou 3 ans. “C’est une tendance intéressante dans la mesure où elle nous procurera des revenus récurrents. La transition n’impliquera pas de risques pour nous dans la mesure où nous offrons les deux modèles [licences classiques et SaaS]. L’ordre de grandeur des revenus sera en outre différent puisque des services plus importants y seront associés. Nous deviendrons opérateur, tout en bénéficiant de l’effet d’échelle d’une mutualisation sur un certain nombre de clients.”

Solfia: la formule SaaS

Solfia propose une solution hébergée incluant un logiciel multi-client, des services d’intégration et des services d’administration et de support. Ces services incluent en outre des prestations d’externalisation du processus commercial middle-office, du genre collecte de positions et de transactions de banques dépositaires, réconciliation des positions entre les banques et les clients, ou vérification de conformité d’un portefeuille.


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(1) Effectifs globaux, fin mai 2012: 365 personnes. Dont 146 en Belgique, 114 au Grand-Duché, 26 à Paris, 22 à Dublin et le solde (53) à Tunis.