Simplification administrative: EasiWal fait place à l’eWBS. Bien plus qu’un changement de façade… (2ème partie)

Interview
Par · 07/05/2013

Au-delà de la fusion des équipes et des missions, au-delà du changement de nom, il est une différence non négligeable dans la naissance de l’eWBS dont il sera intéressant de mesurer les effets à long terme. La nouvelle structure sera en effet intégrée à l’Administration alors qu’EasiWal opérait en dehors. Oliver Schneider, qui dirigera l’eWBS, s’en explique.

“La nouvelle agence de conseil a été rapprochée de la structure des deux Administrations [Wallonie et Fédé] pour que, dès le début, nous puissions accompagner les fonctionnaires généraux dans la réflexion entamée [simplification et modernisation]. La nouvelle structure fait partie du nouveau Secrétariat Général [du SPW et de la Fédé]. Nous sommes donc intimement impliqués dans le travail de planification stratégique qui vient de démarrer. Nous devons dès lors nous repositionner sans perdre notre dimension antérieure, à savoir être une source d’inspiration, d’inventivité pour le politique, tout en agissant comme un loyal allié et un accompagnateur des Administrations. Et ce, en interne. Il faut donc s’intégrer sans perdre le côté innovant.”

Comment voyez-vous s’articuler ce double rôle?

Oliver Schneider: L’eWBS opère comme un organe de conseil, formule une vue prospective sur ce qui se passe, sur ce qui se fait à l’étranger, sur les nouvelles méthodes. Il doit avoir un rôle d’écoute, rencontrer les partenaires sociaux, les administrations, entendre les besoins du non-marchand, des entreprises, des demandeurs d’emploi, des citoyens, des parents… Essayer d’avoir toujours à l’esprit les meilleures pratiques, faire le tri, venir avec des méthodologies et faire en sorte que ces meilleures pratiques et méthodologies puissent être ré-appropriées par les milliers de fonctionnaires qui sont engagés dans le processus de changement. Nous devons être la courroie de transmission de ces bonnes pratiques. Et, dans l’autre sens, nous devons relayer les projets qui réussissent tout aussi bien que les mauvaises expériences, afin que l’échec d’un projet dan une DG soit la réussite d’une autre.

Oliver Schneider : “Nous devons être la courroie de transmission des bonnes pratiques.”

Deuxième mission: sur des chantiers prioritaires, l’eWBS doit être aux côtés de l’Administration, mettre son bleu de travail, assumer le changement avec eux, venir avec des propositions concrètes, coordonner des projets transversaux. Pour que les personnes dans les Administrations puissent avancer, il faut que des conditions transversales soient présentes. L’eWBS va essayer de les identifier. Nous allons porter ces projets mais de manière temporaire. Nous devons agir à la manière d’une couveuse de projets.

Fin des années 90, peu de gens étaient capables d’imaginer ce qu’était et impliquait le web design. Aujourd’hui, c’est rentré dans les pratiques. EasiWal a longtemps travaillé sur l’accessibilité, la lisibilité des sites Web. Ce sont là des services que nous abandonnons aujourd’hui parce que des spécialistes existent sur le marché. De même, pour la signature électronique, il a fallu accélérer la mise en oeuvre juridique, donner des outils qui permettent de signer des documents en-ligne avec la même valeur probante que sur papier. S’il n’y avait pas eu le rôle de coordination et d’initiation transversale d’EasiWal, cela aurait pris plus de temps.

Oliver Schneider : “L’eWBS doit être aux côtés de l’Administration, assumer le changement avec eux, porter les projets mais de manière temporaire. Nous devons agir à la manière d’une couveuse de projets.”

Demain, quand les outils de signature électronique seront communément utilisés, cela deviendra une problématique informatique parmi d’autres sur laquelle eBWS n’aura plus de rôle réel.

Aujourd’hui, l’un des grands projets de l’eWBS est la Banque Carrefour d’Echange de Données. Mais pour qu’il y ait un “carrefour”, il faut des routes qui y mènent. Nous aurons donc un rôle très opérationnel dans la mise en place de la Banque Carrefour mais aussi dans la mise en place de sources authentiques de données parce qu’on ne peut pas demander à des gens qui n’ont jamais expérimenté une source authentique de données de se transformer en quelques mois en spécialistes de tous ces concepts assez nouveaux, de penser des dossiers en termes de protection de vie privée, de démarches à accomplir…

L’eWBS va accompagner la constitution de sources authentiques de données dans l’idée que, le plus rapidement possible, les Administrations soient autonomes et gèrent elles-mêmes leurs sources authentiques.

L’eWBS, c’est donc un équilibre entre le rôle de conseil, de prospective, de réflexion, de communication et une prise de responsabilité beaucoup plus opérationnelle. En veillant à ce qu’aucun de ces rôles ne prenne le dessus. Si on est trop dans les projets, on n’a plus le recul nécessaire pour être pertinent dans le conseil que l’on donne. Si on se réfugie trop dans le conseil, on est trop éloigné du terrain, on n’a plus la vision des difficultés concrètes.

Oliver Schneider: “Nous sommes dans l’organigramme des deux ministères. Dans le contexte du grand défi actuel où nous écrivons une page du changement institutionnel. En matière de synergie entre la Fédération et la Région, nous sommes aussi une éprouvette de ce qui est possible ou non.”

Etait-il nécessaire d’être intégré aux deux Ministères pour que la sauce prenne, pour qu’il y ait une force d’activation ou cela ne vous prive-t-il pas d’une certaine autonomie, neutralité, par rapport à la “cible”?

Béatrice van Bastelaer: Je ne suis pas sûre que c’est nécessaire. Il y a des risques à être dans une structure. Risques de perte d’autonomie, de perte de capacité d’innovation… Je pense qu’il faut être extrêmement vigilant à ce propos. Etre dans une structure peut avoir des impacts.

Béatrice van Bastelaer: “Il faut être extrêmement vigilant pour éviter tout risque de perte de capacité d’innovation.”

Un des arguments est de dire “on est dans la structure, donc on est plus proche des besoins des Administrations”. Je ne me suis jamais sentie coupée des Administrations parce que cela dépendait surtout des liens personnels noués.

Au début, on [lisez EasiWal] était un peu dans notre tour d’ivoire et on apportait parfois des solutions qui n’étaient pas adéquates. Avec le temps, on a été plus proche du terrain, on a mieux compris les enjeux. Je ne suis pas persuadée que ce soit la position où on est qui fasse en sorte qu’on soit plus ou moins proche des besoins du terrain. C’est avant tout la méthodologie, une capacité d’écoute et d’empathie vis-à-vis des usagers, tant internes qu’externes à l’Administration, qui fait la différence.

Mais étant conscient des risques, Oliver Schneider sera attentif à ce qu’ils ne se produisent pas. Et les deux Secrétaires généraux et le politique, en l’occurrence le Cabinet du Ministre-Président, n’ont pas non plus envie que cela arrive…

Oliver Schneider: Ce n’est pas un hasard si les couleurs adoptées pour le logo de l’eWBS sont celles de la campagne Ensemble Simplifions.

Ce plan a su convaincre et mobiliser toute une série d’acteurs. L’eWBS s’inscrit donc dans la continuité de ce concept et de ce plan et le pérennise. Il y a une continuité de contenu et de ton.

Quant à savoir si l’intégration dans la structure de l’Administration était nécessaire, ma réponse, comme nouveau mandataire, est affirmative. En se mettant au niveau des mandataires, à leurs côtés, l’eWBS veut les aider à aller plus loin, plus vite, en parlant le même langage. C’est un message très fort. Mais il ne faut pas le comprendre dans le sens d’un précédent éloignement d’EasiWal.


Deux antennes

L’eWBS aura une double implantation, avec une antenne à Namur et une autre à Bruxelles.

Entre les cellules existantes (EasiWal et Cellule de Simplification administrative du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles), il y a clairement une asymétrie en termes de personnel puisque la cellule de simplification administrative ne comptait que deux personnes. “Des projets sont en cours”, déclare Oliver Schneider, “afin de créer de équipes pour que ce soit le résultat d’un apport équilibré entre les deux structures.” Avec, assez naturellement, une antenne bruxelloise qui sera davantage assignée à des projets de la Fédération.


 

Petit retour sur le sujet de l’appropriation des compétences par les Administrations. Vous avez expliqué que le rôle d’eWBS évolue à mesure que les problématiques sont mieux appropriées par les destinataires. A l’avenir, pour des compétences telles que gestion de projets ou analyse métier sur des problématiques précises, estimez-vous que les Administrations devraient davantage se les approprier en interne ou passer le relais à l’eWBS ou à d’autres intervenants?

S’il n’y a pas obligation pour les équipes de se former à certaines choses, si cela reste pour une part une question de volonté personnelle comme vous l’indiquiez, il n’y aura pas non plus appropriation optimale des compétences…

Oliver Schneider: Je crois que c’est l’un des défis de l’EAP (Ecole de l’Administration Publique) et de la réforme des ressources humaines. Le Ministre Nollet a développé en la matière une approche assez pertinente. Il y a une série de conditions nécessaires pour que ces compétences puissent être internalisées. La question est de savoir ce qu’on internalise et ce qu’on externalise. Je crois que la capacité à concevoir et à décrire sa prestation de services ne peut pas être externalisée.

Les Administrations et les fonctionnaires dirigeants de ces Administrations doivent être capables de penser leur catalogue de services, de définir les niveaux de qualité de services qu’ils désirent atteindre. Pour cela, il faut parfois disposer de compétences spécifiques. On ne peut pas improviser la constitution d’un catalogue de services. Il y a des étapes à franchir. Pour cela une aide est nécessaire et possible. L’eWBS est l’une des manières d’accéder à cette aide externe. Mais l’eWBS s’appuie sur tout un réseau de prestataires externes.

Oliver Schneider: “Je crois que la capacité à concevoir et à décrire sa prestation de services ne peut pas être externalisée.”

Nous permettons aux Administrations d’aller puiser dans des marchés qu’on a lancés, afin de piloter elles-mêmes le projet. Certaines expertises pointues sont nécessaires à certaines phases du projet et disparaissent avec le temps. Pour ce genre de besoins, l’ eWBS ou des prestataires externes peuvent proposer des missions de consultance.

Ensuite, au-delà de la consultance, il y a ce qui doit s’inscrire dans le long terme. Notamment la connaissance métier. Les analystes métier doivent opérer au sein de l’Administration. Structurellement, l’intelligence organisationnelle est une intelligence de détail, que ne peut pas avoir un consultant externe. Seules les Administrations ont cette intelligence des détails. C’est dans les détails d’un processus que les gains peuvent se faire.

Je plaide donc pour que l’accompagnement soit ponctuel et que, le plus vite possible, les Administrations disposent en interne de la capacité d’analyse métier- analyse, optimisation, conception. Aujourd’hui, il faut des carrières d’analyste métier dans les Administrations. La maîtrise du métier doit être dans les Administrations. Nous [eWBS] ne pourrons jamais être autre chose qu’un instigateur, un accélérateur, un initiateur, un coordinateur s’il le faut, un évaluateur le moins possible.

La gestion des ressources humaines s’est fortement modernisée. Il y a aujourd’hui des trajets de développement. Les gens peuvent accéder à des formations, à de nouvelles compétences. Naturellement, lorsque les personnes font un effort, important, de se former, de travailler sur des projets complexes, difficiles, il faut pouvoir leur offrir des perspectives, pour éviter que les meilleurs éléments partent ailleurs parce que leurs compétences sont bien valorisées dans le privé. Il y a toute une politique de ressources humaines à mener pour stabiliser ces carrières. Dans le cadre de la gestion du changement, la politique GRH, qui doit être dynamique, a un rôle important à jouer. Et je crois qu’elle est en train de se mettre en place. L’EAP, à cet égard, est une réforme fondamentale. Cela manquait. J’en attend beaucoup pour l’avenir.