Bip Bip Systems: rendre le covoiturage plus flexible

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Par · 09/04/2013

Frédéric Le Roux s’est lancé dans l’aventure d’une solution de gestion en-ligne de covoiturage pour des raisons personnelles. Comme beaucoup de personnes choisissant de vivre en dehors de la ville où ils travaillent, les embouteillages quotidiens, la pauvreté des transports publics, lui posaient de sérieux problèmes de mobilité au quotidien. Quelle meilleure motivation pour se lancer à l’eau?

Démarré en 2010, le projet Bip Bip Systems s’appuie sur le smartphone et a dès lors une connotation plus immédiate et réactive que le scénario choisi par Djengo. Il est par contre un positionnement commun aux deux start-ups, à savoir qu’elles ont toutes deux décidé de s’adresser en priorité aux (grandes) entreprises et veulent exploiter le “filon” des trajets domicile-travail. Le positionnement de départ est donc de type B2B, dans l’espoir de pouvoir y ajouter progressivement une dimension B2C.

“Nous ciblons les grandes entreprises afin de nous assurer rapidement une masse critique. Mais aussi parce que ce sont là des interlocuteurs plus aisés à convaincre, même si les processus de décision sont longs…”

Pas besoin de réserver

La solution Bip Bip Systems se compose essentiellement de trois modules: gestion des utilisateurs (SmartPool), cartographie, et système de paiement.

SmartPool est le module de “matching”. Au-delà du critère premier qui est celui de la destination et du trajet, le système sélectionne les “covoitureurs” sur base d’affinités (habitudes, préférences, …). Les personnes qui s’inscrivent doivent simplement indiquer leur code postal, adresse, lieu de travail, et horaires habituels. Sur cette base, le module de matching entre en œuvre et détermine des covoitureurs potentiels.

L’application permet de visualiser, sur une carte, l’ensemble des personnes (collègues ou employés d’entreprises voisines) qui pourraient partager un même trajet. La solution suggère par ailleurs les points de rencontre potentiels (la base de données comporte actuellement quelque 150 lieux- parkings de délestage, campings…). Grosse différence avec la solution de Djengo: la position du conducteur est enregistrée grâce au GPS de son portable et transmise à la plate-forme. Un logiciel calcule alors les offres et les demandes en temps réel. “Cela permet une utilisation particulièrement flexible pour les conducteurs et les passagers qui peuvent ainsi planifier un covoiturage, même à la dernière minute. Nous évitons ainsi le casse-tête de devoir planifier un mois à l’avance.”

Le système liste les conducteurs potentiels par pertinence en fonction des destinations. Chaque utilisateur a accès à toutes les informations pertinentes qui lui permettent de prendre une décision de covoiturage, de choisir son ou ses covoitureurs.

Toutefois, la solution Bip Bip Systems présente la particularité de n’être pas entièrement automatisée et de laisser une place aux relations directes “the old fashion way”. Une fois les covoitureurs possibles identifiés, la réservation de la place dans le véhicule se fait via mail ou téléphone. Plusieurs raisons sont évoquées par Bip Bip Systems.

Dimension humaine

La manière dont Frédéric Le Roux a élaboré le modèle de fonctionnement de la plate-forme Bip Bip Systems laisse en fait une place certaine à la dimension humaine.

Frédéric Le Roux: “Nous ciblons les grandes entreprises afin de nous assurer rapidement une masse critique. Mais aussi parce que ce qu’elles sont plus aisées à convaincre, même si les processus de décision sont longs…”

“Nous ne voulons pas forcer les gens à déclarer leurs intentions à l’avance. L’une des raisons est que l’on s’adresse notamment à un public de cadres qui ont parfois des vies et des horaires compliqués… Quelqu’un peut très bien décider le matin-même qu’il a besoin de faire du covoiturage. Un simple coup de fil suffit pour vérifier que la place est disponible. Et il vaut mieux alors que le covoituré potentiel prenne son téléphone pour contacter le conducteur qui peut très bien se trouver à ce moment-là au volant.”

Cette dose d’intervention “manuelle” a aussi pour but de créer des liens directs. Un élément que Frédéric Le Roux juge essentiel pour mieux faire accepter l’idée du covoiturage. Il souligne par exemple que le premier client à faire confiance à sa plate-forme, Delta Lloyd Bank (pour son siège du Botanique à Bruxelles), y voit un avantage de socialisation. Au-delà de l’aspect efficacité et économies de déplacement, “ce client considère notamment le covoiturage comme un moyen de retisser des liens et contacts entre des personnes qui travaillent pour des services différents et qui ne se parlent pas”, souligne-t-il. “Le covoiturage devient ainsi un instrument de team building.”

Autre exemple qui prouve que ce n’est pas forcément la plate-forme qui décide de la composition des “pools” de coviturage: “Chacun peut constituer son pool de covoitureurs, “à la Facebook”, gérer cette liste en acceptant, refusant ou retirant des personnes”.

Module de paiement

Dans le modèle business de Bip Bip Systems, c’est l’entreprise-cliente qui s’abonne et qui paie le service.

La rétro-facturation des frais de covoiturage par les personnes concernées se fait sur base d’un calcul automatique du trajet réellement parcouru (et non du parcours planifié). De quoi autoriser les détours ou trajets inattendus. Histoire aussi de ne pas faire payer une personne qui n’aurait finalement pas utilisé le service.

Pour effectuer ce calcul automatique, Bip Bip Systems a mis au point un système de badge NFC que le conducteur scanne avec son smartphone pour enregistrer les prises en charge et arrivées à bon port. La géolocalisation fait le reste.

Tous les détails nécessaires (identité de chaque personne, kilométrage parcouru, horaires) sont transvasés vers le système de tarification SmartTrips. “Ces données peuvent être utiles pour le reporting interne des entreprises, notamment pour les besoins de leurs rapports CSR ou à des fins de promotion de leur image…”

Le système de badge est un autre élément de l’approche “temps réel” de Bip Bip Systems. “Une fois encore, pas besoin de planification préalable. Avec le badge, il suffit de croiser quelqu’un dans la rue. Sans devoir se connecter à la plate-forme, il fait lire son badge par son covoitureur et peut embarquer directement…”

Pour ceux qui ne disposent pas d’un smartphone ou d’un badge, la procédure se fait manuellement.

Outre le scénario où l’employeur paie le service, un processus de règlement direct entre utilisateurs pourrait être envisagé, avec débit automatique d’une cagnotte “prépayée” (éventuellement via Paypal). Mais cette option n’a pas encore été implémentée.

Première étape

La solution Bip Bip Systems ne supporte encore que l’environnement Android, essentiellement ”pour des raisons de coûts, de solution open source et de support plus précoce de la technologie NFC.” Pour un usage sur d’autres types de smartphones, il faudra faire preuve d’un peu de patience. L’iOS viendra en premier lieu, suivi éventuellement par Windows “une fois que le positionnement de Microsoft aura gagné en lisibilité”.

Frédéric Le Roux désire enrichir progressivement sa solution. Parmi les dernières fonctionnalités rajoutées: un module de messagerie qui permet d’avertir, via e-mail, les covoitureurs dans certaines circonstances (par exemple, lors de pics de pollution ou d’une grève des transports en commun).

Parmi les futurs publics-cibles que la jeune société voudrait convaincre: les associations d’entreprises basées dans des parcs d’affaires ou zones d’activités économiques.

Bip Bip Systems a sollicité une aide financière de la Wallonie et espère obtenir des fonds, tant publics (invest) que privés.