Smart work center « mini »: dimensionner le concept à la réalité des PME

Pratique
Par · 20/08/2012

Parmi les 8 sites retenus à l’issue de l’appel à projets Smart Work Centers (SWC) piloté par EurogreenIT, celui de Barchon (près de Liège) est original à plusieurs égards. Il est, d’une part, une initiative purement privée, là où les autres sont, à des degrés divers, des partenariats privé-public. D’autre part, il prend quelque peu ses distances par rapport à la définition que l’on donne jusqu’ici d’un smart work center. Du moins pour ce qui est de son envergure et de sa capacité d’accueil.

Dans sa définition classique (celle qu’applique la SCRL qui gère le réseau de SWC wallons), un smart work center est un “site de travail partagé, aménagé en un lieu aisé d’accès […] qui met à la disposition de ses hôtes (ponctuels, occasionnels ou plus permanents) des équipements et outils de travail mutualisés (connexions haut débit, postes de travail, vidéoconférence, téléprésence, outils de collaboration…), des espaces de travail et de rencontre (postes de travail individualisés, salles de réunion, de conférence, espace détente….) ainsi qu’un éventail de services tant professionnels que liés à la vie quotidienne (service central de réservation d’espace, accueil, secrétariat, aide juridique, service de facturation, séminaires thématiques, support technique, garderie, réservation de navettes, cafétéria…)”. (Source: Eurogreen IT)

A Barchon, par contre, c’est un smart work center “mini” qui est aujourd’hui en phase-pilote. Comme l’indique le “suffixe” mini, le concept est une sorte de version light d’un SWC traditionnel:

  • l’infrastructure IT offre en gros les mêmes fonctionnalités de base (communications, outils bureautiques, de collaboration, sécurité) mais en misant sur des technologies moins haut de gamme et moins onéreuses
  • petite taille: nombre limité de places
  • services d’encadrement (support technique, accueil…) pris en charge “dans le cloud” par des prestataires délocalisés.

Le SWC mini, réalisé en collaboration entre Alain Leroy (Pentacle) et Philippe Barzin (BSB Management Consulting), sera implanté sur deux sites: Barchon et Sart-Tilman. Chacun pourra accueillir un maximum de 12 personnes simultanément. Aucun personnel de support ou d’encadrement ne sera présent sur le site de Barchon: tous les services seront prestés à distance par des prestataires (situés toutefois dans un rayon proche).

L’espoir est d’inspirer d’autres sites, qu’ils soient intégralement dédiés à l’idée de smart work center ou qu’il s’agisse de PME ou TPE désireuses de mettre une partie de leurs locaux et infrastructure à disposition d’un public de télétravailleurs.

Le modèle économico-technique qui est en phase de définition et de validation devrait leur permettre de mettre leur espace à disposition sans devoir investir trop lourdement en équipements IT et en évitant de devoir procéder au moindre investissement en services de support d’encadrement puisque ces derniers sont mutualisés et pris en charge par des prestataires extérieurs. “Selon les infrastructures préexistantes et les éléments à mettre en oeuvre, une remise à niveau pour pouvoir opérer comme un SWC mini devrait au maximum coûter 10.000 euros”, estime Alain Leroy.

Un scénario à construire

Même si les grands principes, voire même certaines ressources technologiques, ont déjà été identifiés, voire sélectionnés, nombre de points doivent encore être étudiés et précisés. C’est à cela que doit servir le projet-pilote de Barchon. Et c’est ce qui justifie l’octroi des subsides publics (45.000 euros). Un certain nombre d’outils et fonctionnalités, répondant à des critères d’efficacité, de performances, de coût abordable et de facilité de mise en oeuvre et d’exploitation, doivent encore être identifiés. Il s’agit aussi de scénariser les usages, d’intégrer les diverses composantes de l’infrastructure (IP, bureautique, hébergement dans le cloud, sécurité, stockage de documents…) afin d’aboutir à une sorte de “package” cohérent que les futurs SWC minis n’auront plus qu’à installer ou dupliquer sur leur site.

“Une remise à niveau pour pouvoir opérer comme un SWC mini devrait au maximum coûter 10.000 euros

L’un des points-clé à analyser est bien entendu le modèle financier, la logique de tarifs à appliquer aux divers services mis à disposition ou prestés. Le mode de rétribution des services, indique Alain Leroy, “dépendra d’un certain nombre de paramètres. En ce compris les contraintes ou conditions imposées par les prestataires.” Or, elles pourraient sensiblement varier selon que les fournisseurs et prestataires soient de grands acteurs internationaux ou des PME wallonnes…

Autre aspect du modèle “mini” qui devrait contribuer à minimiser le seuil d’investissement à consentir par l’exploitant: la responsabilité de la gestion opérationnelle de la plate-forme de communications et collaboration n’incombera pas au SWC mini lui-même. Ce rôle pourrait donc être pris en charge par le fournisseur.

“Vis-à-vis de la Région wallonne”, résume Alain Leroy, “je me suis engagé à étudier et à proposer un scénario de concrétisation portant sur la mise en oeuvre et l’exploitation d’un smart work center mini qui puisse être répliqué par tout candidat intéressé, à documenter l’ensemble de la solution et à mettre cette documentation à disposition.”

L’équipement

Le SWC mini mettra à disposition de ses hôtes un ensemble de ressources informatiques et collaboratives. L’infrastructure voix/vidéo sur IP (matériel et logiciels Aastra) permettra non seulement aux hôtes de bénéficier de potentiels de communications VoIP mais aussi de configurer un environnement de type mobile desk où ils retrouveront tous leurs outils, applications et ressources. “Via son numéro d’identification, l’utilisateur est identifié une fois pour toutes, pour l’ensemble des ressources VoIP (voix+vidéo sur IP) qu’il sollicite, dans tous les SWC du futur réseau. Ce faisant, ses documents et applications le suivent [ou plus exactement sont accessibles] où qu’il soit.”

Et ce numéro sert aussi, tout simplement, à accéder aux locaux (prière d’introduire son code pour faire s’ouvrir la porte). Ce qui présente un autre avantage pour le propriétaire des lieux: “cela permet non seulement de générer des codes à distance, pour octroyer ou non un accès à un nouvel hôte”, explique Alain Leroy, “mais cela permet aussi de savoir qui est venu, à quelle heure, de générer des statistiques de fréquentation, des profils d’utilisation…”

Côté outils de productivité et de collaboration, l’optique est également celle du cloud. Toutes les ressources, données et applications sont hébergées “dans le nuage”. On retrouvera donc dans le scénario SWC mini, des solutions telles que Dropbox ou Yammer.

Autres équipements: un tableau blanc interactif (TBI), de marque Eno, qui a la particularité de faire à la fois fonction de tableau blanc classique, de surface de projection et de tableau interactif (associé, dans ce cas, à des stylets aptes à communiquer via connexion Bluetooth). “Le tout devient alors outil d’interactivité”, souligne Alain Leroy. “En ce compris pour des séances de travail à distance entre différents SWC. Il suffit de placer une caméra à côté du TBI et on obtient une solution de visioconférence.”

Les services d’encadrement (support technique, conseils en matière de comptabilité, services de secrétariat et d’accueil tels que réception d’appels, gestion d’agenda…) auront la particularité d’être prestés en mode virtuel, par un réseau d’indépendants spécialisés qui se mettront “à la demande” au service des “SWC minis” et de leurs occupants, en exploitant pour ce faire des moyens vidéo.

Un modèle “clé en mains”?

Le scénario qui sortira de l’exercice-pilote, en ce compris les choix technologiques, les formules tarifaires, la composition du panel de services, visera à minimiser au maximum les investissements requis. A partir de là, chaque SWC mini pourra décider de l’envergure du déploiement, des éléments qu’il désire ou non mettre en oeuvre. Toutefois, Alain Leroy estime que deux éléments constituent des prérequis absolus: un TBI et une solution de VoIP. “Pour ce qui est des supports de communication (réseau local, WiFi, VDSL2), je pars du principe que tout le monde dispose de ces éléments de base.” Les futurs candidats SWC mini devraient également pouvoir s’adresser à la SCRL qui gère le réseau de Smart Work Centers existante, pour obtenir par exemple des conseils en matière de configuration réseau.

Alain Leroy: “Les utilisateurs paient non pas l’utilisation du matériel ou du logiciel, mais le service qu’il permet de prester. Il faut faire entrer le numérique dans les réflexes et les habitudes.”

L’infrastructure imaginée est destinée à être “exploitable par tous” mais elle n’aura rien de contraignant. Certains éléments seront interchangeables, un SWC mini pouvant par exemple préférer une solution Google Drive à du Dropbox.

Pour ce qui est du modèle tarifaire, Alain Leroy privilégie le principe de la forfaitisation. “Les utilisateurs paient non pas l’utilisation du matériel ou du logiciel, mais le service qu’il permet de prester. Par contre, mon modèle veut que l’usage des armoires, pour le rangement de documents ou de petit matériel personnel [à Barchon, chaque armoire est personnelle] soit payant. Il faut faire entrer le numérique dans les réflexes et les habitudes”, argumente-t-il. “Mon point de vue est qu’une personne qui utilise une SWC mini doit travailler avec le moins de stockage possible. Un utilisateur qui utilisera le SWC stockera chez lui. Quand on est dans le SWC, on virtualise…”

Coût indicatif pour la location d’une armoire: 30 ou 50 euros par mois. Les tarifs appliqués à l’offre de services de base (communications, outils de collaboration, stockage dans le cloud…) seront définis une fois les choix technologiques effectués et le scénario totalement balisé.

 

Places à vendre

Le modèle de SWC mini qui est en passe d’être validé est né dans la tête d’Alain Leroy (Pentacle) mais s’inscrit dans une logique que l’on retrouve de plus en plus en matière de flexibilisation du travail et d’exploitation optimale des espaces de travail disponible. Le “new world of work” tend en effet à permettre à toute personne active professionnellement de choisir au mieux son lieu de travail, en raison d’impératifs d’agenda, de déplacement, de situation du trafic… Parallèlement, la mobilité physique croissante des travailleurs, la fluctuation des horaires de travail libèrent, pour des plages horaires plus ou moins grandes et régulières, des espaces de travail. En ce compris en entreprises. Et ce, au moment-même où les difficultés économiques actuelles contraignent ces dernières à optimiser leurs coûts (ou leurs revenus). Or, l’espace de bureau est devenu une denrée onéreuse. Encore rendue plus dispendieuse en raison des équipements hi-tech qu’impose le marché et que revendiquent les travailleurs.

De là, l’idée de mettre tout espace de travail libre à disposition de tout utilisateur lambda qui en aurait besoin. Moyennant contribution financière.

Cette idée commence à faire son chemin auprès des sociétés qui ont adopté des méthodes de travail flexible. Maladies, congés, déplacement en clientèle mais aussi, dans un registre moins agréable, licenciements ont libéré des places que ces entreprises proposent donc à des “locataires” épisodiques.

La même idée est à la base de l’initiative KodesK, société créée en mai 2011 et qui remportait, cette année-là, le prix de la “Leanest Start-up” lors du Start-up Weekend de Bruxelles. KodesK se décrit comme un “online short term broker for desk space”. L’idée qu’a eue Sébastien Arbogast, l’un de ses fondateurs, est d’imaginer une place de marché de “co-desking” où peuvent s’échanger demandes et espaces disponibles, pour un temps déterminé, généralement pour de courtes durées (d’une heure à un jour). Les demandeurs peuvent choisir parmi la liste de places disponibles celles qui correspondent le mieux à leurs besoins ou à leurs contraintes du moment: localisation, équipement disponible, type d’espace (bureau individuel, salle de réunion….).