Veille stratégique automatisée: BeTV et la méga-botte de foin

Pratique
Par · 08/08/2012

Que faites-vous lorsque vous êtes une société dont le champ d’activités se trouve au carrefour d’un tourbillon de technologies en constante évolution, de concurrents en repositionnement stratégique permanent? Cette question vous donne-t-elle une “vague” impression de déjà-vu, de vécu au quotidien? Certes chaque société, de la plus petite à la plus grande, vit un contexte et des défis commerciaux, concurrentiels et technologiques qui lui sont propres, à des degrés divers, mais la problématique reste la même. A savoir: “surveiller toutes ces évolutions structurelles et comportementales”. Que l’on parle des concurrents ou des clients. Il s’agit de “collecter l’information, de la mettre à disposition en interne afin d’anticiper les évolutions du marché.”

Celui qui parle est Cédric Fumière, directeur Market Intelligence chez BeTV/Voo. Et il est vrai que les vecteurs et phénomènes qu’il doit surveiller sont multiples et fuyants.

Côté “produits”, son employeur est actif à la fois en télévision, téléphonie et Internet. Les technologies et usages à tenir à l’oeil vont de la mobilophonie aux consoles de jeux “intelligentes” en passant par la télévision numérique, les écrans plats, les Web TV, les tablettes numériques, les télécoms… Les concurrents à surveiller ont pour noms Belgacom, Mobistar, Telenet, Numericable, Scarlet… mais aussi Google, Microsoft, Apple et consorts.

“Nous avions plusieurs problèmes”, explique Cédric Fumière. “En collecte, les informations étaient rassemblées en ordre dispersé et de manière sporadique. Il y avait nécessairement des redondances, un manque de pertinence. Leur diffusion aux personnes intéressées manquait elle aussi de structuration et était trop lente. Certaines personnes qui n’étaient jamais informées. Chacun stockait des documents de son côté. Il était quasi impossible de tracer des mails envoyés…”

A son arrivée chez BeTV/Voo, pour assumer ses responsabilités de veille et d’orientation de la stratégie (tarifaire, opérationnelle…), il s’est tourné vers la solution KnowledgePlaza.

L’information participative

Conçue par Whatever, basée à Louvain-la-Neuve, KnowledgePlaza est une plate-forme de partage actif d’informations, de “veille collective”, à la confluence du réseau social d’entreprise et de la base de données documentaire.

“C’est tout à la fois une plate-forme de collecte d’information qui fonctionne selon un mode collaboratif où chacun nourrit un point central en contenus multi-formes (documents, mails, flux RSS…), un outil d’évaluation de l’information puisqu’on peut commenter, “tagger”, et une solution de diffusion d’informations, sous la forme qu’on désire- informations quotidiennes, flux RSS, classement par thème…”.

L’un des avantages de la plate-forme est de pouvoir y injecter toutes sortes de contenus: infos venant d’Internet, tweets, alertes Google, brochures numériques de concurrents; revues de presse, courriels, “posts” de blogs…

Convaincu par la pratique

Pour choisir l’outil de veille dont il avait besoin, Cédric Fumière n’a pas procédé par comparaison de produits. Il a préféré se fier aux recommandations d’un utilisateur existant et à un exercice grandeur nature (la solution peut-être utilisée en test). Il désirait en tout cas “une solution qui soit plus conviviale, intuitive et qui permette de retrouver plus aisément des documents que ce que permet par exemple SharePoint de Microsoft.” Une solution qu’on retrouve toutefois aussi chez BeTV “mais qui est surtout utilisée par l’équipe IT et technique.”

A noter que Cédric Fumière n’a pas demandé l’autorisation de l’IT pour introduire une nouvelle plate-forme de partage de documents au sein de la société. Il avoue avoir procédé un peu en cowboy mais constate aujourd’hui que même l’IT s’intéresse à cet “intrus” et à ce qu’il permet de faire.

Aujourd’hui, BeTV utilise KnwoledgePlaza pour surveiller trois registres spécifiques: l’évolution des besoins des consommateurs; la concurrence; les technologies. Tous les services sont potentiellement concernés- que ce soit en tant que contributeurs en infos ou que destinataires/utilisateurs: direction, équipes commerciales, responsables produits, service juridique…

La séduction du collaboratif

“Nous avons noté un regain d’interaction entre les services. Cela débouche sur de nouveaux projets et améliore la réactivité de la société, dans son ensemble, face au marché.”

Plutôt que de limiter l’exercice de veille aux deux ou trois personnes du service Market Intelligence, Cédric Fumière a d’emblée opter pour une démarche plus participative. Une dizaine de personnes contribuent, à des degrés divers, à la collecte d’informations et à l’“alimentation” de la plate-forme KnowledgePlaza. Trois travaillent pour le département Market Intelligence, deux au département commercial, 2 ou 3 dans l’équipe de vente, une autre travaille pour l’agence de pub de BeTV. Les autres sont des contributeurs plus sporadiques.

Cédric Fumière espère convaincre d’autres personnes de rejoindre cette équipe virtuelle “mais sans me fixer des objectifs trop ambitieux. Toutefois, quelques contributeurs de plus permettraient d’alléger la charge de travail. Certains font encore remonter vers moi des informations qu’ils détectent en utilisant des moyens classiques. Par exemple via mail. J’aimerais qu’ils aient le réflexe de passer directement par la plate-forme.”

En termes d’utilisateurs, le cap des 40 personnes a été franchi en juin. L’espoir est d’atteindre les 100 personnes en septembre. Ce qui ne sera pas forcément aisé dans la mesure où les personnes les plus intéressées ont déjà sauté le pas.

Emporter la conviction et l’adhésion des autres passera par un nécessaire exercice de marketing interne et l’offre de quelques incitants. Du genre un prix décerné à ceux qui auraient poster le plus de commentaires (pertinents!) sur un sujet, ou élire le Super-Contributeur du mois.

Chaque jour, un “digest” est envoyé à travers tous les services de BeTV/Voo. Pour l’heure, cette lettre d’informations, générée à partir de la plate-forme, est encore générique, identique pour tous les destinataires. Une réflexion est en cours pour proposer des lettres plus thématiques, reprenant des informations plus ciblées. Histoire, par exemple, de fournir au service juridique des informations qui l’intéressent directement: par exemple sur les promotions tendancieuses, mais de lui éviter celles parlant de promotions commerciales concurrentes, dont il n’a que faire.

Premiers effets

Il est sans doute encore trop tôt pour juger pleinement des avantages de la solution (elle a été implémentée au début 2012), d’autant que l’essaimage interne n’est pas terminé, mais Cédric Fumière dit noter de premiers effets positifs. “Dans la mesure où l’information est centralisée et structurée, les recherches sont plus rapides et nous pouvons répondre plus vite aux demandes. Le relais d’informations au sein de l’équipe s’est lui aussi accéléré. La réactivité par rapport à l’information s’est améliorée. Et nous avons aussi noté un regain d’interaction entre les services: le régulatoire parle au CRM. Cela débouche sur de nouveaux projets et améliore la réactivité de la société, dans son ensemble, face au marché.”

Pour le reste, il ne compte pas juger le “retour sur investissement” selon des critères purement financiers ou du nombre brut d’utilisateurs. “La preuve que la solution répond à un besoin viendra par exemple plutôt du taux réel d’utilisation de la plate-forme.”

Sans (trop de) contraintes

Comme tout outil documentaire, l’efficacité de KnowledgePlaza dépend de la structuration et de la logique qu’on introduit dans son utilisation. Et cela passe avant tout par l’utilisation des tags. C’est là le b.a.-ba si l’on veut identifier la teneur d’une information et la cataloguer dans des thèmes, catégories ou “facettes” (selon la terminologie utilisée par KnwoledgePlaza)…

C’est aussi un premier défi dès l’instant où plusieurs contributeurs oeuvrent de concert: un minimum de cohérence et de pertinence s’impose pour éviter de se retrouver dans un fouillis d’un nouveau genre. “Choisir et classer les facettes représente une certaine difficulté”, indique Cédric Fumière. “Certaines sont sous-représentées, d’autres ont trop de facettes. Ce qui diminue l’efficacité de la veille.”

Une question que suscite immédiatement un tel outil est le temps qu’implique son utilisation, la charge qu’il représente au quotidien et donc son avantage “temps/valeur”. Actuellement, Cédric Fumière consacre, méthodiquement, 90 minutes par jour à l’alimentation de la plate-forme: une heure en collecte, lecture et tri d’informations, 30 minutes en injection d’infos dans la plate-forme. D’autres de ses collaborateurs sont moins réguliers.

“Si l’on est assez méthodique, si l’on adopte une démarche routinière, utiliser KnwoledgePlaza devient rapidement un automatisme”, estime Cédric Fumière. “Je procède par filtrage successif, récoltant d’abord des infos à l’aide de favoris par exemple. Je trie ensuite pour éliminer les informations non pertinentes, génère des extraits, place des commentaires.” Cette méthode n’est pas forcément celle de ses collaborateurs. Mais, pour l’instant, aucune véritable règle d’utilisation n’a été édictée. Chacun agit selon sa méthode. “La seule chose imposée est de recourir aux tags à insérer dans telle ou telle “facette”. Je préfère ne pas imposer trop de contraintes ou de règles afin de favoriser une adhésion plus large à l’outil.”

Un minimum de guidance est toutefois prévu au programme, via un wiki qui prendre la forme d’une FAQ (foire aux questions) et un petit vade-mecum à usage interne.

Accentuer encore l’“intelligence”

BeTV est encore un utilisateur quasi-débutant de la plate-forme KnowledgePlaza. Petit à petit, Cédric Fumière raffine son utilisation. Depuis le mois de juillet, il assortit par exemple les informations qu’il y injecte de commentaires, un petit plus apparemment apprécié des destinataires et des autres contributeurs qui découvrent ainsi la valeur ajoutée que cela peut apporter à leur propre mode de travail. L’un des objectifs sera d’encourager et de faire augmenter le nombre de commentaires et de réactions.

Autre évolution en cours: la création de wikis, qui sont des “synthèses de ce qu’on injecte dans la plate-forme, des “digests” pour diverses catégories ou profils d’utilisateur. La plate-forme, en tant que telle, est une sorte de revue de presse augmentée. Augmentée parce qu’on peut y ajouter des commentaires. Les informations sur la plate-forme sont une sorte de puzzle, tout en pièces. Le wiki est un puzzle rempli, avec une couche d’analyse par-dessus. La plate-forme révèle par exemple que Mobistar a conduit telle campagne en mars. Le wiki est une vue d’hélicoptère qui nous dit que Mobistar est en train de se renforcer dans tel secteur, que sa prochaine étape viendra mordre directement sur notre pré-carré.”

Cinq wikis seront créés cet été. Thèmes: taux d’équipement des ménages (matériels, télécoms…); comptes-rendus publicitaires (analyse des campagnes et priorités promotionnelles de la concurrence); promotions tendancieuses (actions commerciales de la concurrence, révélatrices de nouvelles tendances ou dérives); et des fiches par acteurs (Belgacom et Mobistar étant les premiers).