Ville de Wavre: le courrier à la trace

Pratique
Par · 01/08/2012

L’année dernière, les services de l’administration communale de Wavre ont reçu et dû traiter quelque 20.000 lettres. Auxquelles se sont ajoutés six fois plus de courriels, dont 10% comportant des pièces jointes. Et cela, sans compter les courriers et messages en tous genres reçus par d’autres services communaux, tels le CPAS ou les pompiers.

La masse de documents, en soi, est déjà impressionnante. Elle risque d’exploser littéralement dès l’instant où les contenus multimédia viendront s’ajouter aux messages et documents purement textuels. Et le constat est le même pour toutes les communes, petites ou grandes. Volumes à traiter et moyens disponibles répondent souvent à des ratios fort similaires.

Dès qu’elle franchit les murs de l’administration, cette masse de documents entrants commence en outre à faire des petits. Chaque message ou document génère un flux de traitement, est joint ou donne naissance à un dossier, est répercuté, transmis, reproduit en interne, etc.

Et tous ces documents doivent en principe avoir une finalité, un usage pratique bien déterminé. Si l’on en croit un chiffre cité par Ricoh, “95% des décisions prises par un organisme public reposent sur des documents, au format papier ou numérique.”

Pour faire face à ces défis, la Ville de Wavre a franchi un premier pas, l’année dernière, en décidant d’implémenter la solution CitizenFile de Ricoh, logiciel de gestion de dossiers et de traitement du courrier. Il s’agit là d’un premier pas dans la mise en oeuvre d’une solution de gestion documentaire et d’orchestration des workflows au sein de l’administration communale. Voir en fin d’article les mécanismes mis en oeuvre.

“L’objectif était d’améliorer la recherche de documents. Un système d’“indicatage” du courrier [Ndlr: indexation et suivi de la circulation interne des écrits- papier et électronique], développé en interne, existait mais restait limité dans ses fonctions”, déclare Didier Magis, responsable informatique, achats et archives à la Ville de Wavre. “Nous voulions pouvoir afficher l’image du document en vue de sa réutilisation. Le but essentiel était d’améliorer nos processus métier, de pouvoir mieux contrôler le statut des dossiers, de savoir où se trouve chaque pièce, de savoir qui a écrit à qui. Tout cela permet d’améliorer la qualité du travail, de gagner du temps.”

Du traçage plutôt que du contrôle

Le système de gestion et de workflows ne sera pas réellement la panacée dans la mesure où le facteur humain ne se plie pas forcément aux rigueurs des processus automatisés. S’il est possible de programmer des étapes, une chaîne et des cascades de tâches, des responsabilités au sein de cette chaîne, un échéancier idéal, rien ne permet d’affirmer que cet idéal deviendra réalité. Le constat est de Didier Magis qui insiste sur l’écueil potentiel que constitue le facteur humain, voire le facteur psychologique. “La question est de savoir qui désigner comme personne apte à vérifier si telle réponse a bel et bien été faite par un autre maillon de la chaîne. Un échevin, par exemple. On marche parfois sur des oeufs. Vous ne trouverez jamais la personne qui pourra réellement “contrôler” ce qui a été fait ou non. Soit qu’elle n’en ait pas l’autorité. Soit qu’elle considère, par exemple comme ce peut être le cas éventuellement d’un secrétaire communal, qu’elle n’a pas le temps.”

Voilà pourquoi il considère que le principal avantage de la solution de gestion documentaire et de workflow se définira en termes de gains de temps: visualisation rapide du courrier à l’écran, organisation du relais vers les personnes compétentes, plus grande rapidité et efficacité dans la gestion des dossiers et de l’archivage, diminution des manipulations manuelles (photocopies, distribution…). “Le but ultime est d’en arriver à une seule manière de travaille, de classer et d’archiver.”

Quid du “sans papier”? Espoir, mirage? Si le système doit en effet contribuer à rendre superflues les multiples photocopies adressées à autant de destinataires, les habitudes ont toujours la vie dure. Les documents et courriels d’une certaine longueur sont souvent imprimés- et photocopiés-, surtout par des personnes qui ne sont pas nées à l’heure du numérique. Et les documents destinés au collège sont encore imprimés. La révolution du sans-papier, à cet égard, est encore une bataille à livrer. Il faudra sans doute en passer par des objectifs et règles, estime Didier Magis.

Mais l’introduction d’une solution de gestion automatisée du courrier présente d’autres avantages, tels que l’élimination des frais de transport inter-sites (une connexion fibre optique est désormais à l’oeuvre, par exemple, entre l’administration communale et le CPAS) ou encore le fait que tous les collaborateurs aient accès et puissent travailler désormais sur une version unique- et identique- de chaque document.

Un long processus…

Avant d’en arriver à une réelle solution de gestion documentaire (sans doute en 2013), plusieurs étapes devront encore être franchies. Notamment l’installation d’un serveur de données SQL, qui soit apte à supporter l’ensemble du système, et la définition et mise en oeuvre des workflows. Autrement dit, le cheminement que devra suivre chaque document au sein de l’administration, ses étapes de traitement, les droits de consultation et d’action accordés à chaque intervenant, la chaîne d’étapes à suivre…

“Nous les construirons de manière progressive”, souligne Didier Magis. “On a en effet constaté que nombre d’administrations communales qui s’étaient risquées dans cette voie se sont plantées et que leur investissement avait débouché sur une déception ou un résultat nettement en retrait par rapport aux attentes.” Un constat que ne nie pas Ricoh, fournisseur de la solution wavrienne, mais, tient à préciser Dimitri Moerenhout, consultant chez Ricoh, “nombre de ces workflows, à l’époque, ont été conçus à la demande et selon un scénario imaginé par le bourgmestre ou le secrétaire général et ce, à des fins de contrôle. Résultat: le workflow était lourd, manquait de flexibilité, exigeait un gros investissement en temps de la part des utilisateurs, avait mal été conçu puisqu’il imposait des réencodages… Il n’avait pas été fait pour les hommes de terrain. C’est par eux qu’il faut s’attaquer au problème.”

Uniquement pour les grandes administrations?

Une question qu’on peut se poser est de savoir à partir de quand un processus de numérisation et de gestion virtuelle des documents (en tous genres) se justifie. A la fois en termes financiers (l’investissement est loin d’être négligeable), humains (apprentissage, méthode à acquérir) et en termes d’efficacité (l’amélioration en vaut-elle la peine?). Il n’y a malheureusement pas de règle ou de critère clair en la matière.

Si l’on se limite au seul domaine des factures, on considère généralement qu’une solution de scanning et de reconnaissance automatique ne se justifie qu’au-delà de 1.000 factures par mois. Et encore cela dépend-il de ce qu’on considère être un système de reconnaissance automatique. Le taux d’efficacité varie en effet d’une solution à l’autre. Actuellement, on considère comme déjà très efficient un taux de reconnaissance automatique de 50 à 60%. Le taux augmente quelque peu si l’on a recours à des templates, mais cela suppose une standardisation poussée des formats de factures entrantes ou un nombre restreint de sources de facturation. Ce qui est loin d’être le scénario classique. Les taux d’efficacité atteints actuellement impliquent donc, malgré tout, un important volume de post-traitement manuel. Avec tout ce que cela implique en termes de “rentabilité”…

Un autre élément de réponse qui devra faire l’objet d’une analyse au cas par cas est bien évidemment le modèle tarifaire pratiqué par le fournisseur ou prestataire de chaque type de solution. A cet égard, Ricoh a opté pour des tarifs proportionnels, en fonction du nombre d’utilisateurs (et non de volume de documents). Une petite commune paiera donc moins qu’une grande municipalité. De même, la solution sera par exemple facturée en fonction du nombre d’agents de police, pour un commissariat. Mais la sophistication de la solution (ajout de modules spécifiques) viendra, malgré tout, alourdir la balance.

 

Les mécanismes mis en oeuvre

A la Ville de Wavre, le mécanisme mis en oeuvre consiste dans l’apposition d’un code-barre (pdf417) sur chaque document papier entrant. Le code identifie chaque document en fonction de sa destination, sa teneur, sa date de réception, le type d’expéditeur (société, particulier…). L’encodage se fait encore à la main, en attendant, peut-être, une solution de saisie automatique.

Ce code-barre permet à chaque document, lors de l’opération de scanning, d’être routé vers le service adéquat (Finance, Archives, pompiers…). Il permet aussi de repérer les différents documents qui se retrouveront dans un même dossier.

Pour l’heure, le service d’accueil dispatche encore des boîtes physiques de courriers aux différents services. Les lots de factures papier, par exemple, prennent la direction du service Finances. L’opération de numérisation des documents se fait encore en mode décentralisé, par chaque service concerné, notamment “parce que tout le monde [lisez: les préposés à l’accueil] n’est pas habilité à ouvrir ou à consulter n’importe quel document.” Autre raison: le type de matériel de scanning requis. L’accueil ne dispose que d’un photocopieur multifonctions. Or, pour un travail de qualité, le scanning de factures requiert un scanner documentaire.  Des raisons budgétaires évidentes expliquent donc la sélectivité actuelle.

Là, par contre, où le système numérique implémenté apporte déjà une valeur ajoutée, c’est dans la notification d’envoi de courriers. Le destinataire est immédiatement averti de l’envoi et reçoit une notification d’action qui catégorise l’action liée à chaque document: “pour info” (simple lecture), “demande d’avis”, “courrier sortant”, ou “tâche” (par exemple: ouverture d’un dossier, initiation d’une demande de réparation au service Travaux, avis au Contentieux…).

Priorité est donnée au traitement des nouveaux documents entrants. Parallèlement, le travail de numérisation des archives a commencé. Le travail, à cet égard, est énorme puisque “rien n’a été fait depuis 25 ans”. L’historique est certes répertorié et le travail d’identification des boîtes d’archives (par codes-barres) a commencé mais ce sont des centaines de boîtes qui sont concernées et dont le contenu, idéalement, devrait être numérisé. La Ville procédera donc par priorités. Les premiers services concernés sont ceux du classement et le service juridique.

D’une manière générale, c’est l’administration communale qui essuiera les plâtres de la première implémentation avant d’envisager un déploiement pour les autres services (CPAS, notamment). A noter toutefois que, grâce à la liaison en fibre optique mise en oeuvre, la présidente du CPAS peut d’ores et déjà visionner à distance, dans la DocRoom, tout le courrier et les documents dont elle a besoin pour préparer les réunions du collège communal.