Téléphonie VoIP : la Province de Luxembourg passe à l’open source

Pratique
Par · 20/06/2012

Economies et volonté de réellement maîtriser la solution de téléphonie IP, sa gestion et son déploiement. Tels furent les arguments qui ont décidé l’Administration de la Province de Luxembourg à se tourner vers l’open source (en l’occurrence Asterisk).

Qu’on se le dise – et c’est un intégrateur spécialisé dans la téléphonie IP (VoIP) open source qui le souligne d’emblée -, l’open source n’est pas forcément fait pour tout le monde mais quand, comme ce fut le cas de l’administration de la Province de Luxembourg, on se trouve confronté à un exercice de mise à niveau jugé illogique et paradoxal, le choix du libre apparaît comme une évidence.

Voie sans issue

L’administration de la Province de Luxembourg a fait le saut vers la téléphonie IP dès 2002. Son choix, à l’époque, s’était porté sur Cisco, un grand classique du genre. Le problème qui s’est fait jour était, assez logiquement, un renouvellement de l’infrastructure mais, moins logiquement, l’obligation, pour ce faire, de procéder à un exercice de modernisation drastique.

La fin de support ayant été annoncée par Cisco (précipitant l’obsolescence de la version du Call Manager existante), l’administration devait soit procéder à une mise à jour majeure, qui impliquait l’acquisition de nouvelles licences, soit implémenter une toute nouvelle solution. “C’était à nos yeux pour le moins paradoxal de devoir payer pour du matériel qui nous appartenait afin de pouvoir utiliser la nouvelle solution”, déclare Cédric Schmickrath, responsable du projet au sein du service Informatique et Organisation.

Cela venait s’ajouter à un constat fait au cours des ans: le coût récurrent des licences était douloureux pour le budget. Certes, le choix de la solution VoIP avait été fait, au départ, en toute connaissance de cause mais les scénarios d’utilisation et de déploiement à long terme n’avaient sans doute pas été suffisamment étudiés. “Au début, la volonté était simplement de remplacer la téléphonie du site d’Arlon” [Ndlr: le plus important de la province, avec plus de 300 utilisateurs]. “Par la suite, quand nous avons voulu équiper d’autres sites, nous avons constaté que cela s’avérait trop onéreux.” Résultat: seuls trois sites sur la petite centaine de sites possibles (de tailles et finalités diverses- centres de santé, instituts médico-pédagogiques, clubs de jour…), avaient eu droit au déploiement.

Critères décisifs

Le coût fut donc l’un des paramètres décisifs dans le choix effectué suite à l’appel d’offres. Face aux propositions, classiques et toutes basées sur du Cisco, qui avaient été faites, la solution open source, basée sur Asterisk, est donc apparue comme la plus intéressante. D’autant plus que cet argument de coût, qui pesait lourd dans l’esprit du management, se doublait d’un autre critère, plus opérationnel, identifié par le département IT: “nous avions le choix entre une black box et quelque chose qu’on pouvait davantage maîtriser et pour laquelle nous serions formés”, souligne Cédric Schmickrath.

La “black box”, c’était Cisco. Pour toute intervention autre qu’un ajout de poste, qu’une déviation ou quelque chose du genre, le client doit s’en remettre à un prestataire. “On lui vend une voiture et on lui apprend simplement à tourner le volant”, pour reprendre l’expression de Cédric Schmickrath.

La solution maîtrisée en interne, c’était l’open source avec la formation préalable d’EyePea. “Nous sommes désormais en mesure de regarder le capot, de voir comment fonctionne le moteur”, poursuit-il dans la même veine.

L’open source? Pas pour tout le monde, mais…

L’erreur fondamentale que font certains est de croire que l’open source est toujours la solution gagnante, par définition moins onéreuse. Aux yeux de Jacques Gripekoven, il faut, pour ce faire, que certains paramètres soient présents, qu’un effet de levier puisse jouer et que le modèle business choisi (rôles et responsabilités du client et du prestataire) soit, d’emblée, bien choisi et défini par toutes les parties concernées.

Au-delà du simple gain en termes de licences, un calcul sérieux doit intervenir pour déterminer si la charge de la maintenance, du support et des interventions au jour le jour sera en effet plus favorable que celle qui prévaut avec une solution classique (propriétaire).

Dans le cas de la Province de Luxembourg, les conditions en ce sens étaient réunies.

Premier élément: l’équipe IT de l’administration provinciale connaissait déjà la VoIP.

Deuxième élément: cette équipe IT dispose désormais des compétences nécessaires pour assurer elle-même la gestion et le suivi quotidiens. Nécessaire lorsque la taille ou le positionnement du prestataire ne lui permettent pas un apport de services exhaustifs. Comme c’est le cas d’Eyepea. “Nous sommes une petite entité. Nous ne pouvons donc pas assumer du support de première ligne pour tous nos clients. C’est la raison pour laquelle nous menons une politique de transfert actif de compétences. Sans cet écolage du client, nous ne pourrions assumer de gros projets tel celui de la Province de Luxembourg”, déclare Jecques Gripekoven. EyePea prône un processus de formation et de transfert de connaissances avant l’installation. “Cela permet à l’équipe IT d’être réellement impliquée au moment du déploiement et de voir directement comment mettre sa formation en pratique.”

“Il faut vraiment que le problème soit grave pour que nous devions faire appel à Eyepea.”

Aux yeux de l’équipe IT, une telle formation était une chose fondamentale, qui a d’ailleurs influencé son choix.

“EyePea nous promettait une solide formation. Chose qui manquait totalement dans les trois autres offres reçues. La seule qu’elles proposaient concernait le côté purement fonctionnel: comment ajouter ou supprimer un poste, faire une déviation… La formation Asterisk dispensée par EyePea nous permet réellement de prendre en main la solution, de toucher au coeur du système et de développer d’autres projets si nous le voulons. Cet important transfert de compétences est notamment utile pour le déploiement sur d’autres sites.”

Un déploiement que l’équipe IT de l’administration provinciale est en mesure d’effectuer elle-même, ce qui contribue bien évidemment à réduire les coûts d’intervention de tout prestataire externe. “Nous n’intervenons qu’en deuxième ou troisième niveau, pas pour le suivi quotidien”, souligne Jacques Gripekoven. “Il faut vraiment que le problème soit grave pour que nous devions faire appel à Eyepea”, confirme Cédric Schmickrath.

Aux yeux de Jacques Gripekoven, les avantages de l’open source augmentent à mesure que le nombre d’utilisateurs s’accroît. Question de logique mathématique. “Plus une organisation est importante, plus elle a besoin de licences. C’est là un premier point en faveur du modèle libre. Par ailleurs, plus une entreprise détient les compétences en interne, plus l’effet de levier est important. Notre approche implique parfois des coûts plus importants au départ, du fait des formations à donner. Mais dès que l’on passe en mode déploiement de masse, le poids des formations est relativisé, réparti sur cette masse, sans delta à mesure que leur nombre augmente.”

Economie à tous les étages

Le poste le plus visible, en termes d’économies, est bien entendu celui des licences. Mais les gains financiers ne s’arrêtent pas là. Ils se manifestent également en termes d’infrastructure (recours à des serveurs standard – HP DL380 –  organisés en cluster à fins de redondance et continuité opérationnelle). Avec la perspective de passer à la virtualisation, à terme, afin d’optimiser le taux d’utilisation des serveurs.

Un des postes de coûts- non négligeable- est traditionnellement celui de la maintenance et du support. Le fait que l’équipe IT ait bénéficié d’une formation poussée qui lui garantit une large autonomie va aussi faire diminuer ce poste.

Alors que le déploiement avait été limité à trois sites, pour des raisons de moyens budgétaires inexistants du temps de la solution Cisco, on dénombre d’ores et déjà 9 sites équipés. Outre le site principal d’Arlon, la plupart comptent de 20 à 30 utilisateurs. Le déploiement sur des sites plus modestes (5 personnes, par exemple) fera l’objet d’une évaluation d’opportunité. Non pas tellement en termes d’utilité potentielle pour les usagers mais de bande passante garantie. Or, l’opérateur ne garantit pas un QoS (quality of Service) pour tous les sites.

Extensions futures possibles

La Province n’était pas à la recherche du nec plus ultra, de la dernière fonction “gadget” en matière de téléphonie IP. Elle a par exemple fait l’impasse sur le hand-over qui permet de transférer un appel entre divers appareils (fixe, mobile…), sans interruption de conversation. Raison évoquée: le nombre de collaborateurs très mobiles est somme toute limité. Mais la fonction pourrait être activée en cas de besoin réel.

Lors de la migration vers Asterix, l’administration provinciale en a profité pour rajouter quelques fonctions. Du genre menus vocaux, salles de conférences… Un logiciel client est en passe d’être installé sur les PC afin de rendre l’annuaire davantage interactif (signalement de présence des collaborateurs), avec recherche multi-critère dans l’annuaire, renvois conditionnels…

Le passage au protocole SIP permet par ailleurs à la Province d’envisager des extensions permettant de supporter d’autres fonctionnalités et systèmes par l’infrastructure, notamment des caméras de surveillance ou des systèmes de contrôle d’accès.

La possibilité d’ajouter le support de la visioconférence est à l’étude- question d’analyse d’opportunité. “La chose pourrait s’avérer utile pour de petites réunions entre participants travaillant aux quatre coins de la province. Histoire de leur éviter des déplacements parfois plus longs que la réunion elle-même…”.

De même, une intégration pourrait s’instaurer avec diverses applications, tant bureautiques que métier (par exemple, la solution de gestion de catastrophe, qui relève de la Province). “Nous ne savons pas encore avec précision les applications que nous intégrerons”, déclare Pierre Simon, directeur informatique. “Nous ne l’avons pas fait jusqu’à présent parce que Cisco était un monde fermé. C’est pour cela aussi que l’open source, par définition plus ouvert, nous intéressait. On va maintenant déterminer ce qu’on peut en faire…”