De la fracture à l’inclusion numérique

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Par · 17/06/2012

Un vaste mouvement s’opère en fait de la notion de fracture numérique vers le concept d’inclusion numérique. Nouveau public, nouveaux enjeux…

Au départ, les EPN sont nés d’une volonté politique de favoriser l’accès aux ressources numériques au plus grand nombre. Le premier chapeau d’un animateur multimédia n’est elle pas la médiation numérique sociale?

Pierre Lelong, chef de projet Technofutur TIC: "Aujourd'hui, on ne parle plus de fracture numérique mais d'inégalité des usages

Pierre Lelong, chef de projet Technofutur TIC: « Depuis 2005, le concept de fracture numérique a été abandonné au profit de l’inclusion numérique. Aujourd’hui, on parle de plus en plus d’inégalité des usages. Dans un premier temps, les efforts ont porté sur l’accessibilité à l’informatique et à l’Internet. On atteint aujourd’hui une couverture de 70% : la marge de progression n’est plus énorme. Par contre, se pose la question des compétences numériques. On voit ainsi que si les jeunes ont des facilités impressionnantes à l’utilisation, on constate par ailleurs un décalage entre la pratique et l’usage que la société attend d’eux. Rédiger un CV en ligne ou s’inscrire sur le site du Forem pose souvent problème. Prenons un autre exemple avec les Espaces Publics Numériques. Ils ont été conçus comme instruments d’inclusion sociale mais des études montrent que ce n’est pas parce que l’on fait de l’inclusion numérique que l’on fait de l’inclusion sociale. Il faut donc retravailler en partant d’approches contextualisées, imaginer des techniques d’intervention publiques qui ciblent des micro-projets à destination d’acteurs de terrains qui sont en contact avec des publics déterminés dont ils connaissent les besoins et les attentes, comme les seniors par exemple. »

En écho est né le financement de micro-projets de formation “thématiques”. Ce fut par exemple le cas en 2010, avec l’appel à projet “Papy et Mamy” surfers, un programme relancé cette année. Au total, 130.000 euros seront libérés pour permettre aux EPN d’organiser des modules de sensibilisation/formation/animation à destination des personnes âgées. Ce dans les EPN mais aussi dans les maisons de repos et de soins et les résidences-services.

Des publics “cibles”

Simon Leunis, animateur multimédia à la bibliothèque d’Ath: ”Les deux fils conducteurs de tout EPN sont la formation et l’animation. C’est à partir de cet axe que nous développons des contenus à destination de public-cible comme les enfants et les seniors.” Avec “Deviens un détective” par exemple, les enfants (de 7 à 11 ans) peuvent s’initier à l’utilisation d’Internet tout en découvrant par eux-même les règles de sécurité à appliquer.  Dans ce stage, un de nos animateurs se fait passer pour un enfant, et puis révèle son identité “physique”. Là, on n’est plus dans la théorie : cela frappe les imaginations de voir que c’était un adulte qui se cachait derrière un clavier”.

Côté ados, la création de site et le montage de vidéo sont au programme tandis que l’EPN de Mons met en place un atelier consacré au livre numérique.

Elargissement du champ

C’est de nouveau à la Fondation Travail-Université et au Centre de recherche K-point de la Katholieke Hoogeschool Kempen que le SPP intégration sociale a confié la réalisation d’une étude évaluant la première phase du plan (2005-2010) et préparant les orientations de la seconde phase (2011-2015). Celle-ci sera placée sous le signe de l’inclusion numérique.

Le plan présenté le 10 décembre 2010 lors de la 7ème rencontre des animateurs des EPN de Wallonie à Frameries se limite à esquisser les principes et les grandes orientations d’une politique belge d’e-inclusion 2011-2015: « Aux autorités fédérales, régionales et communautaires de transformer ces principes et orientations en actions concrètes », explique Gérard Valenduc, codirecteur du Centre de recherche « Travail & Technologies » à la FTU. Parmi les propositions du rapport final qui a refait l’objet d’un nouveau tour de table auprès de tousl les acteurs concernés en novembre 2011 et dont les chiffres viennent d’être réactualisés en mai dernier, on retiendra la mise en place d’une coordination stratégique et une fonction de « porte-parole e-inclusion » qui se chargerait d’assurer la coopération entre les entités fédérales et fédérées. Les auteurs de l’étude préconisent encore la mise en place de plates-formes régionales fédérant les différentes initiatives des acteurs de terrain et des institutions “trop souvent dispersées à l’échelle de la région. »

Aujourd’hui, le travail de médiation des animateurs multimédia pour tenter de résorber le fossé numérique, qui était clairement identifié comme leur mission première, a évolué. Dans ce contexte, l’EPN doit être vu comme un incubateur d’initiatives locales. Il joue le rôle de passerelle entre l’usager et l’administration, et de relais entre les élus et les citoyens. Il a aussi pour mission de faire office de levier pour l’insertion sociale et pour le développement de la culture numérique”